01/12/2010

Politique moderne

La publicité, tout le monde tombera d’accord là-dessus, c’est vraiment un truc de cons. Je m’explique à l’attention des spécialistes en marketing qui froncent les sourcils par milliers (nous sommes constamment publiés sur écran géant dans toutes les bonnes écoles de commerce) et qui se disent que j’ai rien compris au génie de la pub : la publicité, je confirme, est un truc de ploucs.
Les pontes du domaine vous le diront mieux que moi : pour qu’un message soit compris par tous les consommateurs, il faut qu’il soit suffisamment simple pour s’assurer que le plus crétin d’entre eux ait saisi. Donc ça fait un message très, très, très simple. Ça explique pourquoi on y voit des scènes surréalistes où des familles se pâment de bonheur en mangeant un bouillon de poule ou des ménagère poussent des cris de groupies devant un chemisier débarrassé de sa tache. Prenons un exemple concret, à savoir la bonne vieille pub Danone qui vante la qualité de ses yogourts : dans une scène familiale tout ce qu’il y a de plus pastelle et artificielle, papa rentre à la maison retrouver môman et fifille, et avait charge d’amener le dessert ; comme le mec ne s’est pas fait péter les plombs (il sort du boulot, à sa décharge), il a amené des yogourts, lesquels ne manquent pas de soulever des réticences bien compréhensibles auprès de ces dames, parce que c’est vrai que ça fait un peu cantine. Sauf qu’à l’heure du dessert, tout le monde se pâme, s’extasie et se roule dans le bonheur. Le message est passé : les yogourts Danone, c’est bon. C’est ça, la pub. On imagine bien que si le CEO de Danone avait dû s’asseoir à une table en présence des directeurs d’entreprises concurrentes et expliquer, lors d’un long débat ennuyeux, pourquoi ses yogourts sont meilleurs que ceux des autres, l’effet n’aurait pas été le même. On n’aurait pas manqué de lui faire remarquer que ses usines empoisonnent l’environnement, que ses employés sont sous-payés alors que lui-même vit comme un roi, que ses produits sont gras, que ses vaches n’ont jamais vu la lumière du jour, qu’on a trouvé du plutonium dans ses fruits et de la poudre à canon dans son lait, que la moyenne d’âge de ses producteurs Thaïlandais est de neuf ans etc. (oui, les exemples sont absolument faux (certains en tous cas), mais vous voyez où je veux en venir alors pouet). Le genre de détails sur lesquels on ne s’appesantit que rarement dans la publicité. Et bien en politique, c’est pareil : vous pouvez dire les choses clairement (« l’initiative augmentera les impôts de moins de 1% de la population, à savoir les richissimes citoyens qui gagnent plus de 250'000 francs par année, parce que depuis le temps que la vie augmente, autant que les riches participent aussi un peu ») ou vous pouvez faire dans la bonne grosse publicité mensongère telle que les sciences du marketing tant prisées par la droite nous l’apprennent :

Garanti, le résultat changera du tout au tout. Parce qu’aujourd’hui, les débats nous emmerdent ; vu qu’on se casse le fion plus de huit heures par jour à faire des boulots qu’on déteste pour des salaires de misère, on n’a pas envie de réfléchir en rentrant à la maison et on préfère s’en remettre à des slogans faciles à retenir.

Et puis c'est comme ça qu'on nous a appris à penser aujourd'hui ; on est tellement formaté par le rouleau compresseur de la publicité et la propagande-marketing qu'on nous assène à longueur d'années que nos repères tiennent généralement sur format A4 ou A5. Et le résultat est là : aux questions importantes, on répond absolument n'importe quoi. "Quoi, ils veulent naturaliser Yvan le violeur ? Les salauds !" "Plus d'impôts pour les riches ? ça va nous retomber dessus ! Dans le doute, je vote non !"

Dans la politique actuelle où tous les coups sont permis, le marketing est une arme lâche et forcément très prisée par ceux qui ont les moyens de se l’offrir. Quoi de mieux que de convaincre les masses de voter comme on l’entend sans leur expliquer le fond de notre pensée, qui pourrait les amener à se montrer critiques et circonspects ? En outre, il faut pouvoir faire ripper la thune pour s’offrir de la publicité, et on sait assez que les partis de droite ont largement plus de moyens que ceux de gauche. Tout comme dans l’exemple de Danone cité plus haut, on se doute bien que si les partis devaient s’expliquer sans mensonges, sans chiffres bidouillés et à armes égales, notre extrême droite nationale serait loin d’obtenir les mêmes résultats et serait reléguée à sa place : celle du ramassis de conservateurs aux idées moisies d’avant-guerre dont les pathétiques efforts pour rester à jamais en l’an 1950 feraient rire les masses qu’elles cherchent à manipuler.

Et dans la foulée voici quelques liens sur ce sujet : http://pikereplik.unblog.fr/2010/11/20/impots-et-mensonges/ http://blogs.rsr.ch/la-vie-est-belle/forfait-fiscal-ou-grand-banditisme/ http://www.cequeludcvouscache.ch/accueil.php

3 commentaires:

Djorge a dit…

on se lève tous pour Da.... Oups, on ne peut pas citer de marque.

Labo a dit…

Pour Labo ! Tu voulais dire "pour Labo" ! Han dit ?

Loggy a dit…

"le marketing est une arme lâche et forcément très prisée par ceux qui ont les moyens de se l’offrir."

Aaaah chère communication pulsionnelle à la diction si précise et prémâchée, je suis ton esclave! Parle à ma bite, elle te comprend si bien!

S'en passer serait changer le monde mais je crois que personne ne le veut réellement... Le métro-boulot-dodo ronge notre peu de "temps de cerveau disponible", hélas.