29/09/2010

16/09/2010

Les assureurs sont nos amis

Dans le grand éventail bariolé de la communication moderne, le gros truc à la mode est ce que les cravatés du domaine appellent le « teasing » : une sorte de campagne de pub qui s’opère en deux fois, d’abord avec une affiche un peu choc ou mystérieuse pour capter l’attention, puis avec une seconde affiche supposée répondre aux questions soulevées par la première. On a déjà vu ça par exemple avec la SGA – Société Générale d’Affichage – qui y a parfois recours pour se faire sa propre pub. Elle placarde un peu partout des affiches montrant une bobine que personne ne connaît et un texte du style « qui est Nono ? », et tout le monde spécule, sauf ceux qui ont mieux à foutre, sur l’identité du mystérieux Nono. Et quelques semaines plus tard, la seconde partie de la campagne démarre et on affiche la réponse : « Maintenant tout le monde connaît Nono grâce à la SGA, haha, on est trop fort ». Sauf que bien sûr, la presse ayant entretemps longuement débattu de la question – elle est supposée parler d’actualité mais les choses étant ce qu’elles sont, elle préfère se la jouer cour d’école et causer pub, genre « ‘Detcheu les mecs, vous avez vu la dernière pub Xbox ? » – et du coup, si effectivement tout le monde connaît Nono au terme de leur campagne, c’est aussi et surtout parce qu’on en a entendu parler dans les journaux, à la télé et à la radio, et pas seulement – voire pas du tout – par le biais des affiches. Mais passons. Tout dernièrement, on a eu droit en Suisse à une campagne en deux temps de nos amies les assurances maladie, dans le plus pur style « caisses maladies c’est des salauds » - « mais non c’est pas des salauds ». Vaguement conscients de leur mauvaise réputation dans notre beau pays, nos assureurs ont donc mis la main à la poche (la nôtre) pour financer une communication destinée à redorer leur blason, ce qui correspond à vouloir nettoyer les écuries d’Augias à l’aide d’un chiffon et d’un demi bouchon de Javel. Peu importe, la (mauvaise) foi déplace des montagnes. Il est vrai que plus encore que d’habitude, ils ont quelque chose à se faire pardonner, à savoir le déplacement des réserves de certaines caisses Vaudoises ou Genevoises vers d’autres cantons pour que ces derniers puissent continuer à payer beaucoup moins que les Vaudois et les Genevois, question de solidarité. Bien entendu, question de principe, nos assureurs se sont vautrés et n’ont pas su éviter le piège, à savoir ne pas se tirer une balle dans le pied. En schématisant, on peut dire qu’ils essayaient de dire « mais non, on n’est pas méchant » mais que par le biais de quelques tournures maladroites, le résultat donne plutôt « c’est vrai qu’on n’est pas très sympa ». C’est dommage, l’intention était bonne ! Ne les blâmons pas, ça arrive à tout le monde ; moi c’est pareil, des fois je veux être gentil avec quelqu’un, je m’approche de lui avec un mot doux tout prêt, et au lieu de le lui dire, paf, je lui colle une avoine et le traite de porc. C’est tout naturel. Au cours de la première partie de leur campagne d’affichage, on y voyait des gens tirer des tronches d’enterrement en dessous d’accusations-cliché du type « caisses-maladie, tous des pourris », et la simple inscription « vraiment ? » promettait une future réponse des accusés. Soulignons au passage que le point commun entre ces affiches était la laideur caractéristique des personnes qui y font la gueule, comme si être sinistre et moche était une condition requise pour s’opposer aux caisses maladies. On attendait la seconde partie, et la seconde partie vint ; les caisses maladies sont en Suisse un sujet sensible et lorsqu’elles prennent la parole, ce sont des oreilles sceptiques et des regards hostiles qui se tournent vers elles. Les zigues étaient attendus au contour, aucun droit à l’erreur. Et pourtant ! Vous les avez sûrement vues ces réponses, une en particulier fait grincer : « Qui n’a pas le droit de faire du profit ? » Tout à fait de circonstance, surtout quand ils ajoutent « toujours avec vous » ! En effet, à la fin du mois, à l’heure des paiements, nous constatons avec une certaine amertume qu’ils sont avec nous, et que du profit, ils en font. Autres réponses : « Pourtant, on se bat pour faire baisser le prix des médicaments » ou « on maintient le libre choix. » Le libre choix, ça fait longtemps que le petit peuple n’en veut plus, ayant bien compris qu’il n’existe aucune concurrence profitable au consommateur dans cet énorme cartel. Quant aux tentatives de faire baisser le coût des médicaments, on est en droit de rire : lorsqu’ils essaient de rehausser leur image de marque, ils se vautrent comme des larves et obtiennent précisément l’effet contraire. Alors on ne s’étonne plus que les prix des médicaments continuent à grimper quand ils essaient de les faire baisser… Bref, gaussons-nous donc de l’incompétence crasse du milieu des assurances maladies, c’est tout ce qu’il nous reste. Pointons leur communication du doigt et décelons les insultes qui s’y cachent. Après tout on les déteste, et ils nous le rendent bien. Œil pour œil, dent pour dent, c’est dans la Bible. Il n’empêche qu’à l’instar de la société pétrolière BP, nos assurances maladies, détestées et méprisées, ont claqué une somme considérables dans de la pub, à savoir de la pure poudre aux yeux, dans le but de croître dans l’estime des gens. Et un monde où il suffit de placarder des affiches et de se faire de la publicité pour marquer des points et voir son action grimper me fait grincer des dents.

14/09/2010

Les limites de la démocratie

On a beau entendre dans un film Américain sur deux que la démocratie c’est chouette, on doit quand même lui reconnaître un défaut : puisqu’il met – en théorie – le pouvoir entre les mains du petit peuple, le système dépend du coup des caprices dudit peuple. Par exemple, un pays majoritairement constitué de pécores arriérés et chauvins aisément manipulables (c’est un exemple au hasard) adoptera un mode de vie en conséquence. Plus basiquement, on peut donc dire qu’un pays de ploucs s’étendra sur des problèmes de ploucs. Par exemple l’extrémisme religieux. Non, pas celui-là. Le Suisse. On en entend moins parler, il ne porte pas la barbe et ne fait rien sauter, mais il n’est pas pour autant plus soft. Le fanatique religieux Suisse porte la moustache, les lunettes, la cravate et un gilet en laine pour ces messieurs, une jupe pour ces dames. Souriant et débonnaire, il a l’air tout gentil et paraît vivre une petite vie proprette et sans vagues, parce que derrière la façade qu’il présente en permanence, le cheminement de ses pensées est aussi impénétrable que les voies du Seigneur. Et quand on l’écoute, ça donne des doléances comme celles qui ont été rapportées dernièrement : dans divers coins de notre fière patrie, des voix s’élèvent pour réclamer que l’on interdise tout ce qui a trait aux vampires, sorcières, loups-garous et autres bestioles mythiques dans les livres d’école. Pour nos enfants donc. Parce que, je cite, cela « nuit à la perception du bien et du mal de l’enfant. » Ah, la bonne vieille interdiction, que ferait-on sans elle… On le sait, sous nos latitudes, on a tendance à voir l’enfant comme un petit être innocent et crétin ouvrant des grands yeux sur le vaste monde qui l’entoure et accueillant avec la même naïveté attendrissante les horreurs les plus abjectes et les intentions les plus nobles. Et, on l’a déjà souligné dans un récent billet, on aime s’en servir pour justifier nos caprices. Et là en l’occurrence, on a des parents tellement coincés et terrifiés par leur Dieu d’Amour qu’ils craignent que le Très Haut ne condamne impitoyablement leur progéniture aux tourments éternels de l’Enfer pour peu qu’on leur mette entre les mains des livres impies et sataniques, tels que les aventures du gentil fantôme ou apprendre à compter avec la zoulie sorcière toute mimi. Et derrière, ils se défendent donc en avançant que ce genre de lectures perturbe la perception du bien et du mal des enfants. On a tous été gosse, mais on oublie vite qu’on n’était quand même pas si con. Mais pour le bon chrétien, il est important de s’en tenir à l’apparence lors du jugement impitoyable que l’on porte à autrui. Le méchant sera toujours moche et occulte, le beau sera toujours gentil. Jamais on ne remettra son jugement en question. Il est important de s’en tenir à une vision manichéenne du monde et de réfuter toute complexité. D’ailleurs, le principe du yin et yang est considéré par ces mêmes bons chrétiens comme occulte. Peut-être qu’un jour, lorsqu’on se sera occupé des enfants handicapés, attardés, violents ou défavorisés, on se penchera sur le cas non moins préoccupant des têtards de grenouilles de bénitiers. Parce que vivre dans une telle famille, ça doit donner une bonne idée de l’Enfer.