16/09/2010

Les assureurs sont nos amis

Dans le grand éventail bariolé de la communication moderne, le gros truc à la mode est ce que les cravatés du domaine appellent le « teasing » : une sorte de campagne de pub qui s’opère en deux fois, d’abord avec une affiche un peu choc ou mystérieuse pour capter l’attention, puis avec une seconde affiche supposée répondre aux questions soulevées par la première. On a déjà vu ça par exemple avec la SGA – Société Générale d’Affichage – qui y a parfois recours pour se faire sa propre pub. Elle placarde un peu partout des affiches montrant une bobine que personne ne connaît et un texte du style « qui est Nono ? », et tout le monde spécule, sauf ceux qui ont mieux à foutre, sur l’identité du mystérieux Nono. Et quelques semaines plus tard, la seconde partie de la campagne démarre et on affiche la réponse : « Maintenant tout le monde connaît Nono grâce à la SGA, haha, on est trop fort ». Sauf que bien sûr, la presse ayant entretemps longuement débattu de la question – elle est supposée parler d’actualité mais les choses étant ce qu’elles sont, elle préfère se la jouer cour d’école et causer pub, genre « ‘Detcheu les mecs, vous avez vu la dernière pub Xbox ? » – et du coup, si effectivement tout le monde connaît Nono au terme de leur campagne, c’est aussi et surtout parce qu’on en a entendu parler dans les journaux, à la télé et à la radio, et pas seulement – voire pas du tout – par le biais des affiches. Mais passons. Tout dernièrement, on a eu droit en Suisse à une campagne en deux temps de nos amies les assurances maladie, dans le plus pur style « caisses maladies c’est des salauds » - « mais non c’est pas des salauds ». Vaguement conscients de leur mauvaise réputation dans notre beau pays, nos assureurs ont donc mis la main à la poche (la nôtre) pour financer une communication destinée à redorer leur blason, ce qui correspond à vouloir nettoyer les écuries d’Augias à l’aide d’un chiffon et d’un demi bouchon de Javel. Peu importe, la (mauvaise) foi déplace des montagnes. Il est vrai que plus encore que d’habitude, ils ont quelque chose à se faire pardonner, à savoir le déplacement des réserves de certaines caisses Vaudoises ou Genevoises vers d’autres cantons pour que ces derniers puissent continuer à payer beaucoup moins que les Vaudois et les Genevois, question de solidarité. Bien entendu, question de principe, nos assureurs se sont vautrés et n’ont pas su éviter le piège, à savoir ne pas se tirer une balle dans le pied. En schématisant, on peut dire qu’ils essayaient de dire « mais non, on n’est pas méchant » mais que par le biais de quelques tournures maladroites, le résultat donne plutôt « c’est vrai qu’on n’est pas très sympa ». C’est dommage, l’intention était bonne ! Ne les blâmons pas, ça arrive à tout le monde ; moi c’est pareil, des fois je veux être gentil avec quelqu’un, je m’approche de lui avec un mot doux tout prêt, et au lieu de le lui dire, paf, je lui colle une avoine et le traite de porc. C’est tout naturel. Au cours de la première partie de leur campagne d’affichage, on y voyait des gens tirer des tronches d’enterrement en dessous d’accusations-cliché du type « caisses-maladie, tous des pourris », et la simple inscription « vraiment ? » promettait une future réponse des accusés. Soulignons au passage que le point commun entre ces affiches était la laideur caractéristique des personnes qui y font la gueule, comme si être sinistre et moche était une condition requise pour s’opposer aux caisses maladies. On attendait la seconde partie, et la seconde partie vint ; les caisses maladies sont en Suisse un sujet sensible et lorsqu’elles prennent la parole, ce sont des oreilles sceptiques et des regards hostiles qui se tournent vers elles. Les zigues étaient attendus au contour, aucun droit à l’erreur. Et pourtant ! Vous les avez sûrement vues ces réponses, une en particulier fait grincer : « Qui n’a pas le droit de faire du profit ? » Tout à fait de circonstance, surtout quand ils ajoutent « toujours avec vous » ! En effet, à la fin du mois, à l’heure des paiements, nous constatons avec une certaine amertume qu’ils sont avec nous, et que du profit, ils en font. Autres réponses : « Pourtant, on se bat pour faire baisser le prix des médicaments » ou « on maintient le libre choix. » Le libre choix, ça fait longtemps que le petit peuple n’en veut plus, ayant bien compris qu’il n’existe aucune concurrence profitable au consommateur dans cet énorme cartel. Quant aux tentatives de faire baisser le coût des médicaments, on est en droit de rire : lorsqu’ils essaient de rehausser leur image de marque, ils se vautrent comme des larves et obtiennent précisément l’effet contraire. Alors on ne s’étonne plus que les prix des médicaments continuent à grimper quand ils essaient de les faire baisser… Bref, gaussons-nous donc de l’incompétence crasse du milieu des assurances maladies, c’est tout ce qu’il nous reste. Pointons leur communication du doigt et décelons les insultes qui s’y cachent. Après tout on les déteste, et ils nous le rendent bien. Œil pour œil, dent pour dent, c’est dans la Bible. Il n’empêche qu’à l’instar de la société pétrolière BP, nos assurances maladies, détestées et méprisées, ont claqué une somme considérables dans de la pub, à savoir de la pure poudre aux yeux, dans le but de croître dans l’estime des gens. Et un monde où il suffit de placarder des affiches et de se faire de la publicité pour marquer des points et voir son action grimper me fait grincer des dents.

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